Dette : la ligne de 150 M€

Le rapport de la Cour Régionale des Comptes fait état du mur de dettes à rembourser qui s’approche devant les contribuables marseillais. Soit.

Les magistrats de la Cour des comptes sont pointilleux, précis, méticuleux, et adorent les chiffres, mais ils ne sont pas politiques, ce n’est pas leur rôle. 
Il ne faut pas être alarmé par cette dette, c’est normal d’aller emprunter de l’argent pour construire, investir dans un bâtiment (une école, une bibliothèque, une piscine,…) dont les services à la communauté dureront des dizaines d’années, nous sommes sur des biens communs. Si le choix politique est de ne pas investir dans le bien commun, alors nous nous retrouvons avec une ville aux écoles publiques délabrées, qui vieillissent prématurément, une ville qui n’a pas de bibliothèques, de piscine, une ville qui préfère laisser le bien commun pour des biens et des services privés, qui ne sont accessibles qu’aux mieux lotis. Et à ce petit jeu là, il y a toujours mieux loti que soi.
Bref.
On parle de la dette de la ville mais c’est quoi la dette au juste ? 
Bah en fait cette dette représente l’argent que nous avons emprunté et qu’il nous reste à rembourser : 149 emprunts en cours auprès de 17 prêteurs différents, 1 660 982 450€ et 38 centimes , et oui, nous devons également 38 centimes.

Image en ligne

Alors on parle de remboursement :
* par amortissement : tous les ans nous remboursons une partie de l’argent emprunté. Les intérêts annuels sont donc recalculés tous les ans sur l’argent qui reste à rembourser, et donc baisse au fil du temps. * ou in fine (prononcer en latin hinefiné) : l’argent emprunté est remboursé à la fin, dans ce cas précis, les intérêts annuels sont constants puisqu’ils sont calculés sur l’argent emprunté et que celui sera remboursé intégralement qu’à la fin… Bon la si je vous ai perdu, c’est normal, d’autres personnes l’expliquent mieux ici : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Emprunt_(finance)
Et le coût de la dette représente les intérêts que nous payons pour cet argent emprunté, pour 2018, le cout de la dette s’élève à 46 413 484 € et 41 centimes.

Image en ligne

Là où il faut être attentif c’est sur la gestion de cette dette, sur le coût de cette dette et des choix pris au moment d’emprunter jusqu’au remboursement du dernier centime. 
Et à ce sujet, y’a comme un truc qui nous chiffonne depuis plusieurs semaines sur la dette, et nous n’avons pas trouvé d’explications, ami-e-s expert-e-s des finances publiques vous êtes les bienvenu-e-s : nous parlons ici du plus gros emprunt de tous les temps marseillais qu’a contracté la ville : 150 000 000 €.
150 M€ empruntés sur 10 ans auprès de Natixis (filliale de BPCE, Banque Populaire, Caisse d’Epargne) sur le marché obligataire en 2012 (vous vous souvenez l’époque du nouveau stade Vélodrome). Cette année la ville avait décidé d’emprunter massivement sur le marché obligataire, du fait d’un contexte défavorable des emprunts dits classiques. Le capital de cet emprunt contracté doit se rembourser « In Fine » avec un taux à 4%, ce qui signifie que le capital emprunté de 150 M€ doit être remboursé d’un seul coup en 2022 (arg … imaginez le gars qui va signer le chèque), et tout le long de ces 10 années la banque Natixis s’est rémunérée et continue à se rémunérer à hauteur de 4% sur cette somme, c’est à dire 6 M€/an (là normalement j’ai hacké votre cerveau, vous avez du entendre un bruit de machine à sous). Premièrement, je refais le calcul, nous avons emprunté 150 M€ et au bout de 10 ans, cet argent nous aura coûté 60 M€ … OK…. Mais là n’est pas le débat du jour… 
Au passage, ces 6 millions d’euros par an dont nous parlons : vous avez bien compris que ce ne sont que des intérêts, la dette de 150 M€ reste toujours la même, puisqu’à ce jour pas un seul centime des 150 M€ n’a été remboursé. 

Et bien, que les magistrats de Cour Régionale des Comptes se rassurent, le grand Chancelier de la ville Roland BLUM (bras droit de Jean-Claude Gaudin, fidèle parmi les fidèles et comptable 1ere classe), a trouvé la parade : renégocier cet emprunt avec Natixis, et repousser de 2 à 3 ans la date de remboursement de cet emprunt. C’est ce dont nous nous sommes aperçus il y a plusieurs semaines en épluchant le compte administratif de 2018.
Première réflexion : ça veut donc dire que Roland, aussi blumesque qu’il soit, n’a pas anticipé le remboursement de 150 M€ en 2022 !
Une bonne tête de vainqueur ce Roland !

Image en ligne

Alors certains nous dirons « nous ne sommes pas à 2 ou 3 années près » et nous répondrions « bah, si… Sauf à considérer qu’une dizaine de millions d’euros c’est rien… » car en repoussant l’échéance du remboursement des 150 M€ à fin 2025, la ville repousse le problème, nous fait payer nous, contribuables, une dizaine de millions d’euros (certainement un peu moins, là c’est de l’agit’prop’), s’assure que les agences de notation (fitch rafting & consors) qui ne regarde pas plus loin que trois ans à venir continueront à « bien noté » la ville, et coupe l’herbe sous le pied du jugement des magistrats de la Cour des Comptes en etalant le mur de dettes annoncé. 

La délibération du Conseil Municipal d’octobre 2018 nous en dit plus sur le réaménagement proposé : http://webdelib.e-mrs.fr/webdelib/documents/2018_10_08_08_30/pdf/D0PHB.pdf

Le remboursement de cet emprunt se fera donc sur 3 ans :2022 : 70 M€ (il restera alors 80 M€ à rembourser) 2023 : 40 M€ (il restera alors 40 M€ à rembourser) 2024 : 40 M€ (il restera alors 0 à rembourser ouf, finito… ) 

La ville a donc prévu un remboursement par amortissement dégressif (et non plus infinie), sur cette période étendue entre 4% et 2%, certainement 4% en 2022 puis en baisse jusqu’en 2024. 

Mais visiblement les 150 M€ qui vont être remboursés sur ces 3 ans, n’ont à notre connaissance pas été provisionnés, nous allons certainement être à nouveau obligés d’aller emprunter (cette fois en prêt amortissable hein Roland !) cette somme sur une dizaine d’années… Voilà la gestion de la ville, des emprunts pour les investissements de 2012, vont coûter à la ville jusqu’en 2034 !! 

Fort heureusement, il n’y a pas d’autre situation d’emprunt telle que celle-ci dans la structure de notre dette. Enfin …. finalement je n’ai pas regardé, à faire …

Juste pour rappel, nous vous parlions de cette année 2012 de contractualisation de cet emprunt auprès de NATIXIS en faisant référence au stade Vélodrome. vous savez au fait quel est le réel propriétaire du marché PPP du stade ? AREMA, c’est le nom de la société porteuse du marché de partenariat (PPP) du stade. Et vous savez quel est l’actionnaire majoritaire de la société AREMA ? C’est MIROVA. Une société de fonds d’investissement spécialisé dans les investissements long terme (comprendre marchés PPP) , et vous savez à qui appartient MIROVA ? Nous vous laissons chercher un peu…………………  Encore un peuuuu………………. NATIXIS ! … Cqfd

Reconnaissons le talent des banques d’investissement : elles arrivent à nous prêter de l’argent au prix fort pour reconstruire le stade au prix fort, et en plus nous leur payons un loyer, pardon une redevance, pour l’utiliser… Trop fort…

Faudrait voir à ne pas refaire les mêmes erreurs avec le Parc Chanot ou les aménagements pour les Jeux Olympiques …

Dans la réponse faite à la CRC (p. 71 de la réponse), la ville se targue d’avoir emprunté à l’époque à un taux plus intéressant que la plupart des autres villes, quand on regarde le contexte on comprend, et si c’est pour payer une dizaine de millions d’euros de plus au final, c’est encore plus compréhensible… Bref… 

Ah la la… 10 millions ici… 3 millions de plus sur la dotation des écoles privées … 12 million d’euros pour l’église des réformés qui n’est même pas deux fois plus vieille que notre Jean-Claude… Bref c’est la valse des millions, mais nos 470 ecoles publiques vieillissent, continuent inexorablement de vieillir, leur état se dégrade, et elles doivent faire depuis 20 ans avec 3 millions d’euros par an pour l’entretien courant du bâti (on parle bien de 3 millions d’euros pour l’entretien courant de l’ensemble du bâti, et quand on dit depuis 20 ans, effectivement : au début des années 2000, le budget était déjà de 3M€, chiffres et photos à l’ appui, nous sommes allés vérifier à la Direction des finances de la ville)… Triste sort d’être une école publique marseillaise.

Nous devons réagir pour nos enfants, et pour le personnel pédagogique et municipal qui doit faire avec…

Les écoles publiques doivent être dès à présent la priorité de la politique de notre ville et bénéficier d’un investissement massif, d’une augmentation massive des budgets de fonctionnement liés à l’entretien du bâti, les dépenses courantes, et les activités pédagogiques., et une réorganisation des techniciens de maintenance.

Voilà voilà… 

Pour ceux qui aiment les chiffres et calculettes et Excel, des citoyens ont fait l’analyse chiffrée (un peu brut mais c’est un travail au long cours au-delà des municipales) de notre dette ici : http://citoyen-ne-s-de-marseille.fr/wp-files/eg-transparency/?EG-BUDGET/ANALYSES

Le compte administratif 2018 de notre ville, la liste avec détails des 150 emprunts de la ville constituant notre dette p. 158 :http://citoyen-ne-s-de-marseille.fr/wp-files/eg-transparency/VILLE/COMPTES%20ET%20BUDGETS/2018%20CA2018.pdf

Le compte administratif 2018 de notre ville, la renegociation de l’emprunt apparaît p. 176 :http://citoyen-ne-s-de-marseille.fr/wp-files/eg-transparency/VILLE/COMPTES%20ET%20BUDGETS/2018%20CA2018.pdf

Bravo si vous êtes arrivés jusque là, d’ailleurs si des illustrateurs sont intéressés pour nous aider parce que c’est compliqué d’expliquer textuellement….

Ah oui encore un lien vers la Cour des comptes avec le rapport de la crc et réponse de la ville (qui vaut son pesant de cacahuètes tant sur la forme que le fond, d’ailleurs ils ont osé ressortir la carte « c’est à cause de la pluie » pour expliquer les problemes des écoles, p. 96 de leur réponse … ) ici : Commune de Marseille (Bouches-du-Rhône) – Situation financière et patrimoine

Prochaine piste de réflexion :La ville et métropole sont les principaux actionnaires d’Agence France Locale (21% de l’actionnariat), première agence de financement des collectivités, plus de 300 collectivités y participent. Pourquoi cet outil n’est-il pas plus utilisé pour nos propres besoins ?
http://www.agence-france-locale.fr/ // https://youtu.be/qd36xx-21eo
Peut-être un point sur le Marché de partenariat du Stade, ou comment Mirova (https://www.mirova.com/fr) a pris discrètement et sans opposition le pouvoir sur ce contrat avec du greenwashing, un vrai petit manuel du green fund.

Petit point réglementaire : La cour Régionale des Compte ne peut pas aborder de sujets traités par ailleurs dans une autre instruction (Parquet financier par exemple). Nous disons, nous disons rien …

#cenestpaslapluie#NatixisForEver