Ce mardi 11/06, le blocage continue à l’école Bugeaud (13003).
Huit mois après l’inondation de huit classes qui avait déjà donné lieu à
un blocage de l’établissement, il est cette fois question de sécurité,
d’hygiène et disons-le clairement, de « désespoir, résume Sabrina. Cela
fait plusieurs mois que, le soir, l’école est squattée par de jeunes
adultes qui sautent le grillage avec beaucoup de facilité,
s’alcoolisent, prennent des stupéfiants et font leurs besoins dans les
toilettes des enfants ».
Résultat, le matin, « les Atsem retrouvent
toutes sortes de bouteilles d’alcool fort ou de bières, des
préservatifs usagés et les toilettes dans un état qu’on vous laisse
imaginer… » Zahra, 10 ans en classe de CM1, confirme l’état des
sanitaires : « Ils sont sales, sans papier toilette et avec des portes
cassées. Il faut être deux pour y aller : une qui va aux toilettes et
l’autre qui surveille. » Du coup, « Moi et d’autres, on n’y va pas. On
attend de rentrer chez nous ». « Cela fait deux ans que je demande à
l’adjointe au maire chargée de l’éducation, de sécuriser le grillage de
l’entrée de l’école »
Lorsqu’on ajoute au tableau des voitures
qui, régulièrement, brûlent sur la rue Bugeaud et un parvis de l’école
qui n’est « quasiment jamais nettoyé » selon Hacynna, le débordement était
imminent : « Jeudi vers 14 h 45, une voiture en feu a explosé juste
devant l’école, décrit la maman d’élève. Les enfants ont eu extrêmement
peur, c’était l’événement de trop ». Et la décision fut prise de bloquer
l’entrée de l’école et de renouveler l’action mardi si rien, à la mairie
de Marseille, n’est envisagé d’ici là. « Cela fait deux ans que je
demande à l’adjointe au maire chargée de l’éducation, de sécuriser le
grillage de l’entrée de l’école, annonce Lisette Narducci. Et malgré
toutes mes demandes, je n’ai pas reçu la moindre réponse. Aujourd’hui,
l’exaspération des parents est arrivée à son comble et je les comprends
! » Sollicitée hier, Danièle Casanova n’a pas donné suite.
En
revanche, les parents ont pu s’entretenir avec Monique Cordier, élue en
charge de la propreté, hier matin, dans les 3e et 14e arrondissements,
« pour faire un point sur les dysfonctionnements ». Il se trouve que
l’esplanade de l’école Bugeaud en est un : « Lorsque l’école a été
construite dans l’urgence, l’identification de l’esplanade a été mal
déterminée. Il semble que nous soyons sur un espace qui dépend de la
compétence de la Métropole, nous nous trouvons en réalité sur une
esplanade qui appartient au domaine ‘privé’ de la Ville. La Métropole
qui était sollicitée ne pouvait donc pas intervenir ! À présent que j’ai
repéré le lieu et compris le dysfonctionnement, nous allons pouvoir
trouver une solution rapidement. »
Pour le reste… Zohra, un
parent délégué revendique « la surveillance des lieux, de temps en temps
pour identifier les personnes qui squattent l’école et plus de moyens
pour les tatas qui font vraiment tout ce qu’elles peuvent. » Mais
également, « qu’on arrête de condamner les salles d’activité pour en
faire des salles de cours », ajoute Salima. Aujourd’hui, l’école en REP +
compte 430 élèves en maternelle et en primaire… La Provence 08/06
Ce qu’il faut savoir (et vous le savez) c’est que Marseille dans son budget dote déjà les écoles maternelles privées. Accrochez-vous bien : il est également précisé que les communes qui dotaient déjà les écoles maternelles privées ne se verraient pas recevoir d’aide de l’Etat puisque cette évolution ne vient pas de fait impacter leur budget. Voilà voilà …
La Ville vient de lancer un appel d’offres pour
un vaste audit technique des écoles marseillaises. Du sol au plafond,
tout doit être inspecté en trois mois. Une nouvelle en demi-teinte pour
les anti-PPP qui y voient un délai bien trop court pour un vrai bilan.
La cour de l’école Kléber à l’heure de la récréation des plus petits. Photo : B.G.
Ils
l’avaient promis. Ils vont le faire. Le grand audit des écoles
marseillaises est sur les rails : la Ville vient de lancer un appel à
candidature pour sa réalisation. Acté en conseil municipal en début
d’année (lire notre article),
ce diagnostic technique concernera toutes les écoles, sans exception.
Des plus anciens aux plus récents, les établissements scolaires seront
analysés des fondations aux toitures en passant par les fenêtres,
chauffages, réseaux d’eau et mobilier. Mais si cet audit tant attendu
est accueilli d’un bon œil par ceux qui le réclamaient (lire notre article), les opposants au PPP contestent toujours les conditions de sa mise en œuvre.
« Nous sommes satisfaits de chaque pas fait pour mieux connaître l’état de nos écoles, apprécie Christian Bruschi, membre du collectif PRE (pour la rénovation des écoles). Ça nous donne un peu le sentiment que les choses bougent parce que nous avons bougé. » Celui
qui a porté un recours devant la justice pour s’opposer au partenariat
public-privé (PPP) pour la rénovation de 34 groupes scolaires poursuit
en défenseur du service public : « Le ministère de l’éducation aussi
semble faire avancer les choses. Si rien n’avait été fait, on se serait
vraiment dit que tout part à vau-l’eau. »
« Vision précise, objective, uniformisée »
En 2016, après la publication par Marsactu de la lettre ouverte d’une enseignante, puis d’une enquête de Libération
qui dénonçait l’état déplorable des écoles marseillaises, un audit
avait été commandé par le ministère de l’éducation. Introuvable jusqu’à
il y a peu (lire notre article), le document s’est finalement avéré être très succinct.
Le gouvernement s’est donc engagé à rendre un nouveau rapport sur
l’état des écoles de la ville avant le 30 septembre. Des questionnaires
ont déjà été transmis aux directeurs d’écoles. De son côté, la mairie a
décidé de ne pas attendre le verdict de l’État et de mettre les bouchées
doubles sur « cette mission de diagnostics techniques » qu’elle a évaluée à 6 millions d’euros.
« Le
but de cette consultation est de permettre à la personne publique de
disposer d’une base de données actualisée, complète et homogène de ses
équipements scolaires, peut-on ainsi lire dans le cahier des clauses techniques dudit appel d’offre.
L’ensemble de ces informations permettra d’avoir une vision précise,
objective, uniformisée de l’état technique de chaque site. Cette
connaissance exhaustive pourra contribuer à l’amélioration de sa
conservation, son entretien, sa mise en conformité et sa maintenance. » Un programme qui s’annonce louable et qui concerne donc, « l’ensemble du patrimoine scolaire de la ville de Marseille ».
« Rien à redire sur le cahier des charges »
« Ce
cahier des clauses techniques englobe tous ce qu’on demandait. Il
consiste en une analyse visuelle et rapide mais complète. Tous les
bâtiments et ses composants techniques vont être étudiés, se réjouit un parent d’élève membre du collectif PRE et spécialiste de la commande publique. C’est très positif et il n’y a rien à redire sur le cahier des charges. » Outre
l’état des lieux général et le contrôle de la conformité, le diagnostic
doit également préconiser des travaux nécessaires et un classement par
rapport à l’urgence de leur réalisation.
L’ensemble des équipements scolaires, du gymnase à la cours de récré doit être inspecté, exception faite des cuisines. « L’ensemble des données pourra à terme faciliter la mise en place de la trame d’un plan pluriannuel de travaux », précise encore le document. Enfin, des « indications de coûts » devront être transmises au commanditaire. Mais si le fruit de ce marché devrait in fine
être d’une grande richesse pour la connaissance de l’état des écoles
marseillaises, ses conditions d’attribution ne plaisent pas à tout le
monde.document Le cahier des charges de l’audit
3 millions de chiffre d’affaires minimum
« Oui, ce diagnostic est rassurant. Mais les conditions d’organisation de cet appel d’offres ne nous satisfont pas »,
prévient Maxime Repaux du syndicat des architectes des
Bouches-du-Rhône. Et pour cause, le chiffre d’affaires minimum requis
pour l’entreprise qui s’apprête pour postuler à ce marché sur le dernier
exercice est de 3 millions d’euros. « En faisant ça, on écarte
forcément les agences d’architectes locaux au profit des grands groupes.
Bref, on retrouve les mêmes dispositions qu’avec le PPP. » Le
syndicat des architectes ainsi que le conseil de l’ordre de cette
profession proposait eux de diviser le marché en dix tranches, quand
celui-ci ne l’est qu’en deux, d’environ 200 écoles chacune.
« Cela
permettrait de faire travailler 40 architectes, de croiser des regards
différents et de recouper les méthodes de travail », poursuit Maxime Repaux. Le tout supervisé par un comité de pilotage « qui réunirait l’ensemble des parties prenantes : enseignants, parents, architectes, ingénieurs… », imagine encore l’architecte. Mais le syndicat compte tout de même tenter le coup. « Nous
allons demander l’abaissement de ce plafond et essayer de répondre à
l’appel d’offres avec plusieurs agences ou en s’associant à un bureau
d’étude, quitte a être rejeté. »
« Il faut être une armée ! »
Le
diagnostic, divisé en deux lots, devra être réalisé en 90 jours. De
quoi faire bondir la présidente du conseil de l’ordre des architectes. « C’est
n’importe quoi ! Ça fait sept écoles par jour ouvrable. Vous imaginez ?
Un équipement scolaire c’est environ 1000 m², avec 440 écoles ça fait
400 000 m², à diagnostiquer en trois mois ?, s’indigne Françoise Berthelot, présidente du conseil de l’Ordre régional des architectes.
Je ne sais pas à quoi ils ont pensé et je me demande s’il ont
conscience de la façon dont on analyse un bâtiment. » « Trois mois c’est
très court, note également le parent d’élève cité plus haut. Il faut être une armée. »
Enfin, les « anti-PPP » regrettent le découpage géographique de ce marché : un lot pour le sud de la ville, un pour le nord. « On ne peut rien en conclure de définitif mais ça soulève une fois de plus l’inquiétude quant à la disparité territoriale »,
ajoute Christian Bruschi. Le cahier des clauses techniques prévoit en
effet un lot pour les 2e, 3e, 4e, 5e, 13e, 14e, 15e et 16e et un autre
pour les 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e et 12e. Les candidats ont jusqu’au 26
juin pour déposer leur candidature. Les entreprises retenues seront
connues à la rentrée pour un rendu de l’expertise « fin novembre, décompte Danièle Casanova, l’adjointe LR aux écoles. Elle sera présentée au conseil municipal de décembre ». Le dernier de l’ère Gaudin.
Marseille : sans point d’ombre, les minots de la maternelle Saint-Pierre étouffent
Les deux platanes qui abritaient la
cour et les salles de classe ont été abattus, car dangereux, sans
qu’aucune solution ne soit envisagée. Hier après-midi, il faisait plus
de 37º dans la cour
Par Emilie Davy
La cour de l’école Saint-Pierre. Au sol, on aperçoit les copeaux
de bois qui comblent les anciens emplacements des platanes. Cour de
récréation et salles de classe sont en plein soleil tout l’après-midi.
Photo DR
37º à
l’ombre à 15h45. Un mardi après-midi ensoleillé et des températures à
vous donner envie de quitter le bureau pour la première plage. Oui mais
ici, on est malheureusement bien loin de la mer. Plutôt du côté de la
rue Pascal-Ruinat, dans le 5e arrondissement, à deux pas de la
Blancarde. Très précisément collé contre le mur des salles de classe de
la maternelle Saint-Pierre. Pas un brin d’air ne passe entre les quatre
murs de l’école. Et le mercure ne fait que grimper, affolant les parents
des 150 petits qui fréquentent l’établissement public.
« Ils ont enlevé les arbres et rebouché à la marseillaise »
Il
faut dire que l’an passé, la cour bénéficiait de l’ombre de deux
énormes platanes. Leur feuillage permettait de recouvrir la cour de
fraîcheur et d’atténuer l’impact du soleil dans les salles de classe.
Sauf que les platanes ont été abattus durant les vacances de Pâques. « Nous en avons parlé dès octobre 2018 durant un conseil d’école, se souvient Prune Serrano, parent d’élève déléguée.
L’un était malade, et les racines du second trop dangereuses pour les
petits. Et tout de suite, on s’est dit qu’il allait y avoir un problème
de chaleur dans l’établissement. La cour, c’est une cuve entourée de
bâtiments. »
Les parents ont donc pris les devants rapidement : « Nous avons tout de suite envoyé des mails pour dire notre inquiétude »,
assure la maman. Mairie de secteur, mairie centrale : tous les services
sont rapidement informés des craintes des familles. Mais rien ne se
passe. Abattus, les arbres laissent place à deux trous « recouverts de copeaux de bois en surface en laissant le sol défoncé. Ils ont enlevé les arbres et rebouché à la marseillaise, s’emporte Prune. Ces aménagements devaient être faits pour la sécurité des enfants alors que c’est maintenant très dangereux. »Et aussi À Marseille, dans 58 % des écoles on respire un air trop pollué
« Ils vont planter des arbres à croissance rapide. Mais ils se moquent de nous ! »
L’arbre
d’acier de l’école Foch où des tentures ont été installées pour
protéger les enfants du soleil. Trop long à réaliser d’ici la fin de
l’année scolaire Saint Pierre d’après la mairie.Photo DR
« Nous avons toujours demandé une solution, martèle Audrey Pontarotti-Bodrero, maman de l’école. Nous avons reçu une réponse de Danielle Casanova, (adjointe au maire de Marseille, déléguée aux Écoles maternelles et élémentaires, Ndlr) qui
nous dit que rien ne sera fait pour la chaleur, que les enfants n’ont
qu’à porter des chapeaux. Puis elle ajoute qu’ils vont planter des
arbres à croissance rapide. Mais ils se moquent de nous ! »
Les
parents ont bien proposé une solution temporaire : celle de tendre des
voilages de part et d’autre de la cour pour préserver les petites têtes
des rayons du soleil, comme il en existe à l’école Foch. Refusé. Trop
dangereux à cause du vent d’après la mairie. « On parle ici de 150 enfants qui n’ont aucun moyen de se mettre à l’abri, rappelle Prune.
Danielle Casanova note qu’il ne reste que 19 jours d’école à tenir. Oui
sauf que pour nos enfants c’est 19 jours de calvaire. Elle propose
également de les maintenir dans la salle de sport et de faire des
rotations entre les enfants. Mais c’est inacceptable ! »
La situation semble donc bloquée puisque la mairie assure ne pas pouvoir trouver de solution d’ici la fin de l’année scolaire. « Ils s’en foutent de notre école, elle est laissée à l’abandon »,
se désole Frédérique Navarro. À défaut de solution de la part de la
municipalité, la maman assure qu’elle retirera son petit avant la fin de
l’année : « Mon fils est déficient visuel. Il a les yeux très
fragiles, même avec une casquette et des lunettes. Et il ne peut pas
rester enfermé dans la classe non plus… De toute façon, ils ne tiendront
pas jusqu’au 4 juillet. »
L’avis
de Danielle Casanova, déléguée aux Écoles maternelles : « Il reste 19
jours avant les vacances, je n’ai pas de solution miracle »
Pour l’adjointe au maire de Marseille, il « n’y a pas de solution miracle« .
Elle concède ainsi avoir reçu les courriers des parents, et leur avoir
répondu. Mais pour ce qui est de la mise en œuvre de solutions, elle
n’en a pas : « Des arbres vont être replantés à l’automne. En
attendant, les espaces verts vont venir boucher les trous avec du sol
souple. Il reste 19 jours avant les vacances scolaires, les petits
dorment à l’heure de la cantine donc ils ne seront pas au soleil. Les
autres pourront être accueillis dans la salle de sport. » Pas de solution pour Danielle Casanova. Ni miracle, ni même temporaire puisqu’elle refuse l’idée des voilages tendus : « Il
y aurait une prise au vent très importante, il faudrait des points
d’attache forts. Et d’après les services techniques, c’est très
dangereux. » Un système pourtant mis en place à l’école Foch, à l’aide d’un arbre d’acier auquels sont tendus les fameux voilages. « Techniquement, il faut deux mois pour le réaliser, assure l’adjointe. La
chaleur, c’est à peu près la même chose dans toutes les écoles. Il faut
les équiper de chapeaux comme je l’ai recommandé. Les enfants sont bien
au soleil quand ils vont à la plage. Alors oui, ce ne sont pas les
conditions idéales, mais je n’ai pas d’autre solution à proposer. »
Hier, ces contrats régissaient de grands projets, lancés par l’Etat et
les collectivités locales. Aujourd’hui jugés coûteux, rigides et
inaccessibles aux PME, ils ont un avenir incertain.
En 2004, les acteurs du BTP faisaient la connaissance des « contrats de
partenariat », rebaptisés en 2016 « marchés de partenariat » et,
couramment appelés, « partenariats public-privé » (PPP). Dans un
contexte financier compliqué, ce nouvel outil permettait de satisfaire
les besoins d’acteurs publics impécunieux et désireux de faire
construire rapidement. Les travaux sont en effet préfinancés par le
privé, et le paiement étalé sur la durée du contrat. Ainsi, entre 2010
et 2013, l’idylle bat son plein, avec plus de 130 contrats signés. Mais
quelques années plus tard, elle semble s’essouffler (voir infographie) .
Seuls cinq contrats ont été conclus en 2018 ; le compteur est au plus
bas pour 2019. Et quand ce n’est pas la personne publique qui prend ses
distances, c’est parfois le juge qui s’interpose. Ainsi, le 12 février
dernier, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de
recourir aux PPP pour la construction d’écoles dans la cité phocéenne.
De là à parler de rupture définitive, il est encore trop tôt. En
revanche, une chose est sûre : les raisons du désamour sont nombreuses.
Une mauvaise réputation. Le PPP souffre tout d’abord d’un
problème d’image. Et fait l’objet d’une bataille idéologique – voire
corporatiste -, selon certains. Grégory Berkovicz, avocat associé au
cabinet GB2A, pointe du doigt « les syndicats de fonctionnaires qui,
défendant leur statut, combattent l’externalisation des projets publics
». Jérôme Grand d’Esnon, avocat associé chez Carbonnier Lamaze Rasle
& Associés – en 2004, il était, à Bercy, aux manettes de la création
de ces contrats -, dénonce la « forte opposition des architectes, dont
beaucoup ne vivent que des concours et des primes et ne jurent donc que
par la loi MOP [relative à la maîtrise d’ouvrage publique NDLR] ».
Denis Dessus, président du Conseil national de l’ordre des architectes,
fait, lui, valoir que « le maître d’ouvrage, en PPP, est une société de
projet en général menée par l’entreprise de BTP, une situation qui
pervertit notre position de défenseur des intérêts de l’acheteur public.
Cet affaiblissement de notre rôle se traduit par des difficultés à
obtenir le niveau de prestations attendu d’un service public ». Autres
farouches opposants, les représentants des PME de travaux. Pour Philippe
Fontanier, secrétaire général du Syndicat national du second œuvre, les
PPP ne peuvent répondre aux principes de la commande publique, comme
celui de la liberté d’accès : « Les entreprises susceptibles de
décrocher ces contrats se comptent sur les doigts d’une main. » Ne
resteraient aux petits que les miettes de la sous-traitance…
Ces organisations n’ont pas hésité à attaquer en justice certains
projets. Elles ne sont pas les seules. « Le nombre de recours intentés a
dissuadé certains décideurs de choisir le PPP », commente Jérôme
Pentecoste, avocat associé chez Gowling WLG (cabinet présent sur le
montage de deux des trois derniers PPP signés). « Même si, en réalité,
ces contentieux sont davantage le fait d’opposants au projet lui-même,
ou à l’exécutif d’une collectivité, qu’au montage contractuel »,
précise-t-il. Quelques loupés retentissants ont aussi contribué à ternir
l’image des PPP. L’exemple le plus cité est celui du Centre hospitalier
sud-francilien (Essonne) : surcoût et retards importants, innombrables
réserves à la réception, pour aboutir à une résiliation du contrat au
bout de huit ans. Il ne s’agissait pas d’un contrat de partenariat, mais
d’un bail emphytéotique hospitalier. Le fiasco de cette opération a
rejailli sur tous les PPP.
Une liaison dangereuse ? La question financière ne peut être
éludée. Denis Dessus dénonce « une formule qui transforme le service
public en produit financier au profit de quelques banques et grandes
entreprises, et dont l’intégralité des risques est sup-portée par les
contribuables ». En 2017, la Cour des comptes constatait qu’en matière
pénitentiaire le PPP « induit des coûts de financement plus élevés que
la maîtrise d’ouvrage publique, mais aussi des coûts de construction
substantiellement supérieurs à ceux des établissements réalisés en
conception- réalisation ». Sous le quinquennat Hollande, Christiane
Taubira, garde des Sceaux, avait d’ailleurs passé en marchés publics des
projets initialement prévus en PPP.
Largement utilisées dans les PPP, les cessions Dailly – grâce auxquelles
la personne publique peut garantir jusqu’à 80 % de l’endettement de
l’opérateur privé – sont devenues un frein. « Très rassurantes pour le
banquier, elles permettaient, à l’origine, de faire baisser les taux
d’intérêt. Or, en période de taux bas, ce n’est plus un argument ! De
plus, ce système a un revers : il fait entrer l’endettement dans les
critères de Maastricht », éclaire Jérôme Grand d’Esnon. De son côté,
Grégory Berkovicz explique la chute des PPP par un fort lobbying du
Trésor : « Bercy veut freiner les dépenses publiques et, comme il a peu
de marges de manœuvre sur celles de fonctionnement, il devient hostile à
l’investissement public. » Marc Legrand, directeur des concessions chez
Eiffage, renchérit : « Nous n’identifions plus de grands programmes
aujourd’hui comme il y en a eu auparavant avec les prisons et les
hôpitaux. »
Un manque de souplesse. Les acteurs s’accordent sur un point : le
PPP est un contrat très rigide. « Toute modification va coûter très
cher à la collectivité publique, pieds et poings liés au même opérateur
pendant vingt ou trente ans », témoigne Denis Dessus. Ce que confirme
Jérôme Grand d’Esnon. « Il est nécessaire, déroule-t-il, d’avoir un
besoin bien défini, et de s’entourer d’une équipe suffisante pour bien
fixer les règles du jeu, déterminer des pénalités crédibles et
contrôlables facilement. » Par ailleurs, avec la réforme de la commande
publique de 2016, les critères pour pouvoir recourir au PPP se sont
concentrés sur le volet financier. A l’obligation de réaliser une
évaluation préalable comparant les différents modes de réalisation d’un
projet, s’est ajoutée une étude de soutenabilité financière, auparavant
exigée pour les seuls PPP étatiques. Stéphane Braconnier, professeur de
droit à l’université Paris-II, voit d’un bon œil cette évolution : « Les
conditions juridiques étaient floues et avaient tendance à accroître le
risque pour les personnes publiques. » Pour d’autres en revanche, comme
Xavier Bezançon, délégué général d’EGF. BTP, « la nouvelle
réglementation a rendu le recours à ce contrat presque impossible ».
Stéphane Saussier, directeur de la chaire EPPP à Paris-I, parle, lui, de
« parcours du combattant ». Un avis motivé doit en effet être rendu par
le ministère chargé du budget. « Même si cet avis n’est pas liant, la
DGFiP peut en pratique freiner, voire stopper, un projet de PPP d’une
collectivité », estime Jérôme Pentecoste, qui ajoute que « l’évaluation
préalable est très difficile à réaliser, et inévitablement critiquable
».
Des montages concurrents. La réglementation récente fait de plus
la part belle aux contrats globaux, tels que le marché global de
performance. Pour Xavier Bezançon, « c’est clair, les élus se sont
tournés vers ces nouveaux outils, délaissant les marchés de partenariat
». Stéphane Saussier développe : « Les raisons pour lesquelles les
acteurs avaient recours au PPP – son caractère global, les critères de
performance… – ont infusé dans les contrats de la commande publique
classique. Et il est plus aisé de recourir à ces montages. » Lesquels,
ironie des choses, ne sont pas plus populaires auprès des architectes et
des PME…
Les personnes publiques se sont aussi reportées sur le nouvel outil que
constitue la Semop ou sur un montage éprouvé, la concession. « Mais on
peut se demander si certains baux à construction ou concessions de
travaux ne dissimulent pas des PPP, alerte Jérôme Pentecoste. Mieux vaut
pour les parties qu’il n’y ait pas de contentieux. Les contrats
pourraient être requalifiés, voire annulés. »
L’atout de taille des PPP par rapport aux contrats globaux est le paiement différé.
Un avenir, malgré tout. Pour autant, la flamme des PPP brûle
toujours : de nombreux contrats sont en phase d’exécution, et quelques
acteurs s’engagent encore dans cette voie ( lire p. 14 ). Ceux-là
sont convaincus des atouts du montage, qui conserve notamment une
différence de taille avec les contrats globaux : le paiement différé.
Pour Stéphane Braconnier, « supprimer le marché de partenariat créerait
un vide ». En outre, les PPP limiteraient le plus souvent les dérapages
de délais sur la phase exécution – l’opérateur privé travaillant, à ce
stade, à ses frais. Et ils présentent l’avantage de « sanctuariser les
dépenses liées à l’entretien et à la maintenance », explique Marc
Legrand. Qui relate par ailleurs que l’activité PPP d’Eiffage est
aujourd’hui florissante… à l’étranger.
« On devrait assister à un regain du marché de partenariat », anticipe
Grégory Bercovicz, observant « un effet de cycle dans l’investissement
public, et une nécessité de revitaliser les villes moyennes ». Pour ces
dernières, « le PPP semble être une bonne solution, car elles n’ont pas
toujours une maîtrise d’ouvrage très forte et organisée ». Certains lui
imaginent aussi un avenir dans les projets routiers, où les besoins sont
criants, ou dans les infrastructures sociales, qui ne se prêtent pas au
modèle concessif. « Il y a également aujourd’hui une réflexion en
France et en Europe pour faire des PPP déconsolidants [ i. e. , dans
lesquels les loyers financiers n’entreraient pas dans la dette publique
NDLR] », explique enfin Jérôme Pentecoste. Ce qui nécessiterait une
évolution de l’allocation des risques entre le public et le privé, et du
mécanisme de financement en cession Dailly… Pas une mince affaire.
« Un projet complexe et un travail de longue haleine »
« Nous avons opté pour le PPP notamment en raison de la complexité du
projet, qui suppose la délocalisation des deux marchés d’intérêt
national existants à Nice. La procédure a duré six ans : la Mission
d’appui aux PPP [aujourd’hui Fin Infra, NDLR] a rendu un avis favorable
en 2013, et le contrat a été signé le mois dernier. C’est un travail de
longue haleine, qui nécessite beaucoup de réflexions et de réunions afin
d’harmoniser les demandes de chacun. Il y a aussi un travail de
préparation dans le montage du contrat, il faut tout analyser et
négocier pour avoir un certain nombre de garanties.
Le lauréat a aujourd’hui une mission de construction de l’équipement et
d’entretien. En revanche, nous conservons la gestion, compte tenu de la
spécificité des métiers concernés. »
Aménagement du MIN de Nice. Signé en mars 2019 pour 35 ans
« Un contrat adapté au vu de notre capacité à investir »
« Nous n’avions pas d’autres solutions que le marché de partenariat pour réaliser nos travaux d’éclairage public.
Il nous fallait remplacer la totalité du parc pour des raisons de
vétusté, mais aussi d’économies d’énergie. La maire a par ailleurs
choisi de faire son mandat sans emprunt. Ainsi, au vu de notre capacité à
investir, ce contrat était le plus adapté. Nous avons alors recruté un
assistant à maîtrise d’ouvrage pour sécuriser notre procédure de
passation et nous accompagner tout au long du projet, car c’est un
contrat extrêmement complexe. Nous sommes à présent engagés pour quinze
ans, et pour être certains que tout se passe bien, nous avons inclus des
garanties et des pénalités élevées. Résultat : le parc a été
entièrement renouvelé et livré le jour attendu. »
Eclairage public et vidéoprotection. Signé en janvier 2018 pour 15 ans
Maureen Ibanez, responsable marchés publics, ville de Bruay-sur-Escaut (Nord)
« Une soutenabilité budgétaire très attractive »
« Le ministère peut, dans le respect des critères, recourir au marché de
partenariat pour des projets complexes, nécessitant des ressources de
maîtrise d’ouvrage que ne possède pas la structure concernée, et pour
lesquels un retour sur investissement est avéré. Ici, la soutenabilité
budgétaire de l’opération – restructuration d’un îlot pour y regrouper
les commissariats de quatre arrondissements de Paris – est très
attractive. Le foncier apporté permettra la location d’immeubles dans le
centre de la capitale, couvrant le loyer qui sera versé à l’opérateur
privé durant une courte période. D’autre part, le ministère dispose de
capacités d’expertise bâtimentaire de haut niveau, ce qui garantit une
prise en charge optimale du projet. »
Réhabilitation de l’îlot Perrée (Paris) en commissariat. Signé en février 2019 pour 13 ans
Antoine Gobelet, directeur de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières du ministère de l’Intérieur
« La zone de pertinence du PPP reste assez large »
Pourquoi le partenariat public-privé est-il en perte de vitesse ?
Yann Le Tourneur : Il y a un effet lié au cycle d’investissement,
que ce soit pour l’Etat ou pour les collectivités locales. De plus, les
acteurs se reportent sur d’autres modes de réalisation, dont les
conditions de recours ont été assouplies, comme les marchés globaux, ou
récemment créés, comme les Semop.
Antoine Tardivo : A cela s’ajoutent les contraintes budgétaires
des collectivités et l’incertitude des recettes fiscales. Cette absence
de visibilité n’incite pas à opter pour le marché de partenariat, qui
sanctuarise l’affectation de crédits budgétaires. Côté Etat, on constate
également une contrainte sur la dette, et la difficulté d’obtenir le
feu vert au titre de l’étude de soutenabilité budgétaire.
Enfin, depuis 2015, certains organismes tels que les hôpitaux,
universités… , dits “Odac”, sont interdits de recours direct au PPP :
ils doivent passer par leur ministère de tutelle et obtenir l’accord du
Budget.
Quel est l’impact de l’avis de Fin Infra sur les projets de PPP ?
Y. L. T. : Nous devons rendre un avis sur les évaluations
préalables réalisées par l’Etat et, depuis 2016, par les collectivités.
Nous émettons assez peu d’avis défavorables, notamment parce que les
porteurs de projets viennent généralement nous voir en amont, ce qui
nous permet le cas échéant de les orienter vers des montages plus
adaptés que le PPP pour leurs opérations. Les avis de Fin Infra sont non
liants : cependant ils doivent être transmis à l’assemblée délibérante,
ce qui leur donne un certain poids au moment de voter le recours au PPP
!
Quel avenir voyez-vous pour ces contrats ?
Y. L. T. : Le marché de partenariat a des atouts, il reste
néanmoins un outil parmi d’autres. Sa zone de pertinence est assez large
: dès qu’il y a des enjeux en matière de performance ou de coût global,
des problématiques d’organisation de la maîtrise d’ouvrage, des
contraintes fortes de délai, etc. , son utilisation peut être étudiée.
Le PPP est particulièrement bien adapté pour les contrats d’éclairage
public par exemple, ou encore pour les bâtiments scolaires, d’autant
plus que l’alternative représentée par les concessions est à exclure
dans ces secteurs.
A. T. : Ce contrat a de l’avenir dans la mesure où, depuis
plusieurs années, la maîtrise d’ouvrage publique s’affaiblit, obligeant
les acteurs à se reposer de plus en plus sur des AMO, avec une
efficacité opérationnelle non garantie.
Le PPP permet de mobiliser les compétences du privé en matière de maîtrise d’ouvrage.
Note
du collectif : Quand l’état se prononce sur le fait que les PPP peut
pallier le manque de ressources en maîtrise d’ouvrage, cela revient à
dire que la maitrise d’ouvrage n’est pas forte. La solution n’est-elle
pas plutot de la renforcée ?!
Peu de projets publics sortent aujourd’hui sous forme de PPP, mais ce
montage contractuel n’a pas dit son dernier mot. Le dernier marché de
partenariat signé à ce jour porte sur la restructuration et la
réhabilitation de l’ilôt Perrée (Paris 3e), pour y installer les
commissariats des quatre premiers arrondissements de la capitale appelés
à fusionner. Interview d’Antoine Gobelet, directeur de l’évaluation de
la performance et des affaires financières et immobilières (Depafi) du
ministère de l’Intérieur.
Le ministère de l’Intérieur a conclu le 18 février avec Efilo (filiale
d’Eiffage) un marché de partenariat portant sur la conception, le
financement, la restructuration et la réhabilitation de l’ilôt Perrée.
En quoi consiste le projet exactement ?
Cet immeuble a été construit en 1912 par l’architecte du ministère des
Finances, Louis Blanc, pour abriter les services de « La Garantie »,
établissement dépendant de la Direction générale des impôts et chargé du
contrôle officiel du métal précieux. L’imposante façade de brique et de
pierre est ornée de mosaïques, de médaillons et de bas reliefs.
Le bâtiment sera restructuré et rénové pour accueillir dans des
conditions optimales les 600 fonctionnaires en charge de la sécurité
publique dans le nouvel arrondissement de Paris centre. Au final, le
ministère de l’Intérieur disposera d’un bâtiment de 5 600 m² de surface
utile à l’architecture remarquable. Les travaux seront réalisés en 33,5
mois à compter de la date de signature du marché de partenariat.
Pourquoi avoir choisi ce montage en PPP ?
Le choix du marché de partenariat a été validé en décembre 2016 par un
comité de pilotage présidé par la Direction de l’immobilier de l’Etat et
associant la Direction du budget, Fin Infra (1), France Domaine Paris,
la Depafi et la Direction des douanes. L’étude de soutenabilité
budgétaire et l’étude préalable sur les modes de réalisation [requises par la réglementation, NDLR] ont été validées par la Direction du budget et Fin Infra en mai 2017.
Fin Infra a notamment analysé que, dans ce cas précis, le marché de
partenariat présentait les meilleures garanties pour la bonne maîtrise
du projet, y compris en termes de délais de livraison de l’ouvrage. Et
ce, compte tenu des assurances apportées par le service constructeur du
secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur
(Sgami) Ile-de-France de disposer d’un programme technique précis et de pouvoir piloter une assistance juridique adaptée.
Le fait que le service constructeur dispose de solides équipes
internes de maintenance et des supports juridiques permettant de
garantir une bonne exploitation du bâtiment a constitué un autre argument déterminant. Cela signifie que le recours à un marché global sectoriel [qui aurait, lui, englobé la maintenance et l’exploitation, NDLR] aurait, pour cette opération, représenté une double dépense pour l’État.
Enfin, la soutenabilité budgétaire de l’opération est particulièrement attractive.
En effet, le foncier apporté est domanial et des loyers
significativement élevés sont en jeu, avec des locations d’immeubles
dans les arrondissements centraux de la capitale pour trois des quatre
commissariats d’arrondissement. Leur montant couvrira le loyer qui sera
versé à l’opérateur pendant une courte période. A l’issue des travaux,
l’opération se débouclera en effet au profit de l’Etat en dix ans.
Plus largement, quelle est la position de votre ministère sur les PPP ?
Le ministère s’inscrit dans le strict respect de la doctrine de la
Direction du budget et de la Direction de l’immobilier de l’Etat. Nous
choisissons donc de faire appel à des PPP si les critères d’utilité et
d’efficacité de la dépense publique – notamment le retour sur
investissement – sont avérés et validés par Bercy.
Ainsi, le marché de partenariat est susceptible de constituer un outil
très utile, car il peut pallier le manque de ressources en maîtrise
d’ouvrage. Il permet aussi d’inclure les aspects de valorisation
(location, cession) que comportent certains projets et enfin, il
n’interdit pas l’apport de financement par l’Etat, pouvant réduire le
coût du financement à la période de portage de chantier. L’Etat étudie
donc certains de ses projets sous cet angle. Le marché de partenariat
pourra être exclu ou au contraire privilégié, en fonction des
conclusions des études préliminaires.
Avez-vous tendance, comme nombre d’acteurs publics, à recourir de plus
en plus aux marchés globaux et de moins en moins aux PPP ?
Les marchés publics globaux de performance sont des outils
intéressants. Nous en avons passé un premier pour un projet de
réhabilitation d’hôtel de police à Lyon en avril 2018, nous ferons un
retour d’expérience pour en tirer les premiers enseignements et voir
comment utiliser au mieux ce cadre juridique.
(1) Fin Infra est la mission d’appui au financement des infrastructures.
Elle a succédé à la Mission d’appui aux partenariats public-privé
(Mappp) en 2016.
Trois ans ont passé depuis la lettre ouverte adressée par Charlotte Magri, alors enseignante dans les quartiers Nord de Marseille, à Najat Vallaud-Belkacem, alors Ministre de l’éducation nationale.
Trois ans après sa lettre ouverte tirant la
sonnette d’alarme sur l’état de délabrement de son école, Charlotte
Magri a quitté l’Education nationale mais reste attentive à la situation
des écoles marseillaises.
Elle a quitté l’éducation nationale à la rentrée 2016. Mais ce
changement d’air après dix années dans l’enseignement était déjà acté
lorsqu’elle adressa en novembre 2015 sa lettre ouverte à Najat
Vallaud-Belkacem, alors Ministre de l’éducation nationale. Depuis, trois
ans ont passé. Mais malgré l’intervention de l’Etat, un audit, quelques
travaux d’urgence et un partenariat public privé rejeté par la justice,
un sentiment demeure. Celui que rien n’a vraiment avancé.
Pourquoi avoir quitté l’éducation nationale ?
Charlotte Magri : Déjà, je n’avais pas assez de temps et d’énergie
pour les pratiques artistiques que je développe aujourd’hui. Puis il y
avait une forme d’usure. Pas au sens où le métier ne m’intéressait plus
mais je n’avais plus la même fraîcheur vis à vis de mes élèves…
J’arrivais au bout de ce que j’étais capable de faire dans ce contexte
là.
Comment jugez-vous l’épisode de la lettre et ce qui a suivi ?
C. M. : ça a clos dix ans de ma vie. Après, mon initiative, et la
manière dont j’ai essayé de la défendre, n’a été qu’un petit maillon
dans une très longue chaîne de lutte. Ni plus ni moins que ça.
D’ailleurs on voit que cette chaîne continue à se construire, beaucoup
poussent encore dans cette direction.
Vous suivez ce qui se passe dans les écoles de Marseille ?
C. M. : Oui mais j’ai une vision moins centrée sur l’école. Je
regarde ça plus largement, à travers les mobilisations citoyennes qui
émergent face la mauvaise gestion municipale, avec l’espoir que ça
change. J’espère que l’on va arriver à un point de rupture. Je me
demande combien de temps encore, l’État français va tolérer qu’il y ait
des pratiques mafieuses, le clientélisme en est l’illustration, indignes
et criminelles dans la 2e ville de France ? Je me demande combien de
temps, nous, les électeurs, allons laisser la porte du pouvoir ouverte à
des personnes qui ne respectent ni la vie, ni les enfants, ni les
valeurs fondamentales qui peuvent nous permettre de nous rassembler ?
Sur la question des écoles, vous n’avez pas le sentiment que trois ans après, on en est toujours au même point ?
C. M. : Bien sûr, on demande aujourd’hui les mêmes choses qu’en 2016.
Après, le fait que le PPP ait été retoqué, que l’on parle diagnostic
alors que l’on m’avait répondu par du mépris et du dédain, montre que ça
avance. Les responsables politiques se sentent obligés de répondre. Et
même si la réponse est insuffisante, c’est une manière de prendre acte.
C. M. : M. Gaudin et des proches ont eu des propos méprisants et
insultants, voire même injurieux vis à vis des enfants des quartiers
Nord, avec un imaginaire de voyous, de kalachnikov, comme s’ils étaient
tous délinquants. A mon égard, c’était disproportionné. On peut ne pas
être d’accord, argumenter… mais ça a basculé. Il y avait une part de
posture. Mais je me l’explique surtout par un mépris profond pour une
catégorie de la population marseillaise et par un rapport à l’électorat
qui n’est pas ancré dans des valeurs démocratiques. On n’a pas affaire
des responsables politiques qui œuvrent pour le bien commun. On reste
dans une approche hiérarchique, où ceux qui ont le pouvoir se permettent
de se montrer méprisants vis à vis d’une bonne partie leurs
administrés. C’est pourtant le fondement de leur légitimité dans leur
accession au responsabilité politiques.
Au niveau de l’éducation nationale vous vous êtes sentie soutenue,
accompagnée ? L’état des écoles concerne aussi les gens qui travaillent ?
C. M. : Au niveau de l’académie, les personnes ont fini par me
recevoir et se sont montrées assez gênées, mal à l’aise par rapport à
leur posture. Au niveau de la hiérarchie directe, je n’ai absolument pas
eu de soutien. Aucun. Jusqu’au jour où c’est devenu une affaire
nationale. Là, les discours ont changé.
Vous avez le sentiment d’avoir été un peu une lanceuse d’alerte ?
C. M. : Oui et non. Je n’ai rien écris ou dit qui n’était déjà su. Y
compris des journalistes. Certains m’ont d’ailleurs remercié de leur
avoir donné l’occasion de parler de ça… Parce que dans certaines
rédaction, si ce n’est pas l’actu on ne peut pas caser le sujet même si
il vous semble important.Après par rapport à la posture du corps
enseignant, il y a eu cet effet là.Parce qu’il y avait quand même un
tabou, en tous cas je l’ai ressenti comme ça, ou une mauvaise
interprétation du devoir de réserve.
On a vu dernièrement encore des enseignants manifester avec une croix sur la bouche ?
C. M. : A partir du moment où l’on peut sortir dans la rue et le
manifester, c’est déjà une étape. Après c’est très difficile. J’ai eu
des menaces à l’époque.On ne renouvellera pas votre poste etc… Tout
passe par l’administration lorsque l’on est enseignant. Il faut que l’on
demande et que ce soit validé. Si vous êtes blacklisté, beaucoup de
choses deviennent compliquées.
Du coup on a le sentiment que le corps enseignant ne s’exprime pas
vraiment. Quand on voit des plafonds qui s’écroulent dans les écoles, on
entend surtout les parents d’élèves ?
C. M. : Je ne vais pas généraliser mais c’est vrai qu’à part des
personnes impliquées avec des profils militants… Mais je comprends
totalement la difficulté de la prise de parole. D’autant plus, qu’entre
guillemets, j’en ai fait les frais. C’est dur, ce que l’on prend en
retour peut être violent mais il y a malgré tout des enseignants qui
prennent la parole et qui assument. A l’époque, j’ai vu le changement
autour de moi. C’était peut-être lié à mon équipe aussi. J’ai croisé des
enseignants qui m’ont dit « Merci Charlotte ». C’était quand même un
soulagement.Si il y avait ce ressenti, c’est qu’il y avait un besoin de
parler. Après, il faut que parents et enseignants arrivent à se sentir
comme des partenaires qui ont font face aux mêmes problèmes. Et ceci en
dehors des moments où le sentiment d’urgence est suffisamment fort pour
que chacun s’autorise à prendre des risques. C’est le genre de
changement qui prend du temps.
Le vote du
budget primitif ainsi qu’un rapport sur les écoles ont été
particulièrement discutés lors du deuxième conseil municipal de l’année
Par Benoit Vinstock
Jean-Claude Gaudin a subi les critiques des élus de l’opposition, notamment sur le thème des écoles. Photo Valérie Vrel
Ce matin
s’est tenu le deuxième conseil municipal de Marseille de l’année. Les
élus étaient réunis à l’espace Bargemon, notamment pour adopter le
budget primitif 2019 et discuter de l’avenir des écoles de la ville qui
ont été au coeur de l’actualité locale et nationale ces dernières
semaines. Les débats ont également tourné autour du problème du mal
logement et du sort des délogés, donnant parfois lieu à de vifs
échanges.
Impôts : la ville maintient ses taux mais les impôts vont augmenter
Le
budget primitif 2019 a été adopté par le conseil municipal. Il fixe une
enveloppe de 1 milliard 478 millions d’euros (dont 1 milliard 33
millions pour le fonctionnement et 445 millions d’investissement).
Celui-ci ne prévoit pas d’augmentation des impôts gérés par la ville
mais les Marseillais vont pourtant en payer davantage. Une augmentation
de 3,3% est en effet imposée par la loi de finances 2019. Les élus du
groupe socialiste, Benoît Payan en tête, ont regretté que la Ville n’ait
pas fait l’effort de diminuer les taux afin d’absorber cette
augmentation.
Pas de quoi entamer
l’enthousiasme de Roland Blum (LR), adjoint au maire en charge des
finances et du budget qui s’est félicité. « Ce budget est un bon, pour ne pas dire un excellent budget »,
a-t-il estimé. L’élu a ensuite présenté la baisse de la masse salariale
de 0,9% et le respect de la limite d’augmentation des dépenses réelles
de fonctionnement de 1,25%, conformément au contrat passé avec l’État.
Ces mêmes dépenses ont concentré les critiques de l’opposition, Benoît
Payan critiquant la baisse du budget alloué aux écoles soit, selon lui,
la suppression « d’un chantier sur six ». Une position partagée par Jean-Marc Coppola (PCF), qui accuse le maire d’« esquinter la démocratie ». Dans les rangs du RN, Stéphane Ravier a dénoncé l’ampleur de la dette. La Ville « rembourse 170 millions mais en emprunte 80 », a-t-il souligné. Enfin, Stéphane Mari a refusé d’approuver ce budget au nom de La République en Marche. « Même si votre budget tient techniquement la route, compte tenu de vos nombreux échecs, je voterai contre »,
a-t-il déclaré tout en reconnaissant que son nouveau parti (il
appartenait au groupe PS jusqu’en 2018) était trop jeune pour proposer
une alternative.
Écoles : un audit et deux nouvelles constructions
« Un diagnostic technique de l’ensemble des écoles sera réalisé en partenariat avec l’État », a une nouvelle fois confirmé le maire. « Puisque le gouvernement veut semble-t-il regarder cela, qu’il y participe aussi. Sinon, il n’en a pas le droit »,
a-t-il lancé, attaquant l’amendement présenté par la députée
marseillaise Cathy Racon-Bouzon (LREM) à l’Assemblée nationale contre
lequel la municipalité entend introduire une question prioritaire de
constitutionnalité si celui-ci était validé par le Sénat. Le maire a
également annoncé « le lancement immédiat de deux écoles neuves en réalisation d’ouvrage en maîtrise publique »
qui étaient prévues dans le PPP retoqué par le tribunal administratif
le 12 février dernier. Il s’agit des écoles de Jolie Manon et
Docks-Libres (3e).
Cet audit arrive tard, selon l’opposition. « Pour ne pas avoir encore une fois la honte de voir l’État mettre le nez dans le cambouis de vos écoles »,
a par exemple commenté Sandrine d’Angio (RN) qui a proposé un conseil
municipal extraordinaire consacré aux écoles et demandé que les 6
millions d’euros destinés à financer cet audit soient directement
investis dans des travaux concrets. « Avec ce rapport, il est incontestable que vous avez 24 ans de retard »,
a de son côté estimé Jean-Marc Coppola (PCF). Avec le socialiste Benoît
Payan, il avait accompagné ce matin le collectif pour la rénovation des
écoles qui a déposé sur le bureau du maire une pétition ayant recueilli 15 000 signatures.
Le conseil municipal a voté un audit sur l’état des 444 écoles de
Marseille. Il devrait être réalisé cet été par un bureau d’études
spécialisé pour un coût de 6 millions d’euros. La Ville “court-circuite”
ainsi le diagnostic que l’État prévoyait de rendre à la rentrée.
« Faisons la radioscopie complète de ces écoles
», a lancé le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin lors du Conseil
municipal de ce lundi. Une fois encore, la question de l’état des
écoles marseillaises n’a pas manqué de faire débat dans l’hémicycle
municipal. Et ce, même si le tribunal a donné un coup d’arrêt à la
délibération d’autorisation de lancement du partenariat public-privé
(PPP) pour la reconstruction des écoles de Marseille.
Benoît Payan
(PS), Jean-Marc Coppola (PCF) et les membres du collectif anti-PPP
(devenu collectif pour la Rénovation des écoles) ont en effet déposé la
pétition qui a récolté 15 361 signatures, qui « exige une rénovation des écoles ! »
Dans
le même temps, la Ville a fait voter un diagnostic technique des
bâtiments scolaires de la ville de Marseille. Il devrait être rendu à la
rentrée prochaine. « La démarche de la Ville est d’introduire vérité et clarté dans un débat biaisé », a lancé le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin, « Pour qu’on nous dise enfin de manière claire et précise ce qui va et ce qui ne va pas ».
444 écoles diagnostiquées durant l’été
C’est
donc dans le cadre d’un marché public que seront choisies les
entreprises spécialisées pour cet audit. Selon Jean-Claude Gondard,
directeur général des services de la Ville de Marseille, la municipalité
a provisionné pour cette étude 6 millions d’euros; espérant que l’État
participe à hauteur de trois millions d’euros.
« Les audits pourront se dérouler au mois de juillet, et peut-être en août », précisait Jean-Claude Gondard, en amont du conseil municipal. « Il faudra sûrement plusieurs bureaux d’audit. Nous aurons ainsi, à la rentrée, une monographie école par école ».
Cinq mois pour passer au crible les écoles marseillaises
L’État
des écoles de Marseille fait débat depuis de nombreuses années. En 2016
déjà, la ministre socialiste de l’Éducation nationale, Najat
Vallaud-Belkacem, demandait un diagnostic précis, et établissait un
programme de remise à niveau du parc d’établissements de premier degré
marseillais. Elle exprimait le 28 mars dernier dans les colonnes de Libération, les difficultés à travailler avec la Ville de Marseille : « La situation des écoles marseillaises relève d’une incurie au long cours ».
Najat Vallaud-Belkacem en 2016 à Marseille
En
novembre 2018, à la suite du drame de Noailles, l’actuel ministre de
l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, annonçait de son côté un
nouvel audit des bâtiments scolaires. Il a été lancé cet hiver sous la
forme d’un questionnaire auprès des directeurs des 444 écoles de la
ville.
Dans la même ligne, en février 2019, la députée LREM de
Marseille, Cathy Racon-Bouzon, déposait un amendement à la loi sur
l’école de la confiance. Ce dernier demande que le gouvernement remette
un rapport sur l’état du bâti des écoles à Marseille avant le 30
septembre. C’est dans le même temps que le diagnostique engagé par la
Ville de Marseille, et voté ce matin, devra être rendu. Cinq mois donc
pour passer au crible les écoles marseillaises. La majorité municipale
mise ainsi sur son propre audit, jugeant celui de l’État incertain.
L’audit de l’État « mourra de sa belle mort »
En effet, pour le chef de la majorité municipale LR, Yves Moraine, « l’audit
de l’État n’avance pas, on ne sait rien, il se base sur une loi non
votée, sur l’avis de directeurs d’école qui ne sont pas des
spécialistes… Il sortira au mieux en janvier 2020 au lieu du 30
septembre annoncé. Nous, on confie cette mission à des bureaux d’étude
spécialisés, dont c’est le métier, indépendants, agréés ».
Avec son audit, la majorité municipale espère rendre caduque le diagnostic voté au niveau parlementaire. « Il mourra de sa belle mort », promet Yves Moraine. À suivre…
Le PPP des écoles s’effiloche. En adoptant ce lundi la construction
de deux écoles dans le 3e arrondissement, la Ville a porté un premier
coup de canif dans son plan “école d’avenir”. Les deux groupes scolaires
en question, baptisés Jolie Manon et Docks Libres, figuraient dans le
programme initial du partenariat public-privé.
Officiellement
pourtant, la Ville veut défendre en appel son contrat à un milliard
d’euros après son annulation par le tribunal administratif. Cette
contradiction n’a pas été soulevée en conseil municipal qui a préféré
débattre âprement sur le futur audit des écoles. Mais pour Danièle Casanova, l’adjointe à l’éducation, la cause est entendue : il faudra revoter. “Le
calendrier sera très serré mais on peut encore passer une délibération
au conseil municipal d’octobre, car il faudra forcément revoir le marché
compte tenu du fait qu’on a retiré deux écoles neuves. Ensuite, il ne
restera plus que le conseil de décembre, dernier conseil de ma
mandature. C’est dommage car ce contrat de partenariat était en quelque sorte mon testament politique.”
Pour la suite, il faut s’abonner à Marsactu comme nous l’avons fait 😉