Cathy Racon-Bouzon (LREM) souhaite « un rapport exhaustif et garanti par des experts » pour les écoles marseillaises

Écrit par Christophe Casanova, pour La Marseillaise, le dimanche 17 mars 2019, http://www.lamarseillaise.fr/marseille/education/75480-la-deputee-cathy-racon-bouzon-lrem-souhaite-un-rapport-exhaustif-et-garanti-par-des-experts-pour-les-ecoles-marseillaises

Cathy Racon-Bouzon (LREM) souhaite « un rapport exhaustif et garanti par des experts » pour les écoles marseillaises

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La députée marseillaise Cathy Racon-Bouzon (LREM) a déposé le 15 février à l’assemblée nationale un amendement lors de l’examen de la loi « pour une école de la confiance » qui sera débattue au Sénat, fin avril. Elle y demande un état des lieux du bâti des écoles de la Ville de Marseille qui doit être rendu dans un rapport au 30 septembre septembre.

Le PPP enterré le 12 février dernier, la question de la rénovation des écoles va revenir le 1er avril sur la table du conseil municipal de Marseille. Au menu, une délibération portée par les élus d’opposition Jean-Marc Coppola (PC) et Benoit Payan (PS) sur la base de la pétition citoyenne lancée l’an dernier sur le site change.org.

De son côté le travail legislatif amorcé à l’Assemblée par la députée (LREM) Cathy-Racon Bouzon suit son court. « S’il y avait besoin de mettre dans le projet de Loi de finances 2020 un budget sur cette question, il était bon d’avoir des premières pistes avant octobre » justifie-t-elle. Aux inquiétudes du collectif anti-PPP, devenu le collectif PRE (Pour La rénovation des Ecoles) qui a mis en échec à la barre du tribunal administratif le Partenariat Public Privé à un milliard d’euros pour la rénovation de 34 école GEEP choisi par la municipalité, elle répond aussi que le « recensement » demandé par l’état aux directeurs d’école doit être décorrelé de ce rapport.

Cette enquête demandée par les services de la direction académique permettra « peut-être de circonscrire le périmètre d’action (…) » explique la députée : « Je ne vais pas imposer une méthodologie au gouvernement, mais je souhaite un rapport exhaustif et garanti par des experts ». « Il faut un plan construit, savoir où est l’urgence ». Un plan inscrit dans « un budget prioritaire de la municipalité » quitte « à faire appel à d’autres collectivités ou à l’état ». Avec plus que tout, cette fois, la nécessité d’obtenir un résultat.

Cathy Racon-Bouzon, pourquoi avoir choisi de mettre cet amendement sur les écoles marseillaises dans la loi  » pour une école de la confiance  » ?

Cet amendement arrive après plusieurs mois de travail et de réflexion avec les services de l’Etat et de la Mairie. Initialement, la réflexion est partie de l’audit que nous avons mené avec mes collègues députés de la République en Marche sur le PPP. Il nous semblait important avant de pouvoir prendre une position affirmée de discuter avec différents acteurs qui étaient contre cette forme de montage, et voir comment tout cela avait vu le jour. Il nous est apparu qu’il y avait une erreur de raisonnement dans la démarche : le choix des écoles était construit sur un a priori sur ces 34 écoles GEEP qui peuvent constituer un danger, je ne le nie pas car elles ont des particularités qui méritent qu’on se pose effectivement la question. Mais en tous cas, rien ne laissait penser que sur le parc des 445 écoles marseillaises, elles étaient prioritairement concernées par une rénovation urgente. Suite à cela, on a appelé de nos vœux un diagnostic des écoles auprès de la mairie, de l’Etat.

Que s’est-il passé ensuite ?

Les choses n’ont pas vraiment bougé, en tous cas du côté de la Mairie. J’ai donc sollicité plus précisément le recteur et le Préfet qui ont conjointement convenu qu’il fallait que l’Etat fasse une proposition d’accompagnement à la Ville sur ces questions. Un peu de la même manière que dans la gestion de l’urgence, l’Etat a apporté son soutien à la ville sur la question du logement. Evidemment on n’est pas sur les mêmes enjeux et situations d’urgence mais néanmoins, avant que l’on en arrive à des situations qui pourraient être catastrophiques, l’Etat s’est senti concerné. D’autant plus que dans certaines écoles, on peut se poser la question de ce qui relève de la sécurité des enfants et des enseignants, en tous cas des conditions de travail et d’enseignement. Et ça, c’est du ressort de l’état, il devenait légitime de s’en mêler. Début mars il y a donc eu cette volonté conjointe du Préfet et du Recteur de proposer un accompagnement.

Il était quand même nécessaire d’en passé par la loi, avec cet amendement déposé devant l’assemblée nationale le 15 février ?

Après discussion avec le Ministère, il m’a semblé opportun de demander au gouvernement à travers le texte de loi  » pour une école de la confiance « , un rapport qui permettait d’inscrire dans la loi l’obligation de l’état de remettre un rapport au gouvernement. C’est l’étape ultime pour être sûr que l’on puisse avoir enfin un état des lieux.

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Il y a pourtant déjà eu un diagnostic de fait en 2016…

Oui mais que je n’ai jamais pu récupérer. Si ce diagnostic existe, et je suis obligé de croire ceux qui disent qu’il existe, il a été fait conjointement par l’Etat et la mairie. En tant que parlementaire, je ne peux, moi, demander que des comptes à l’Etat. Si je le demandais, l’Etat serait tenu de le rendre transparent. En revanche la mairie n’est pas tenue de me le donner et, en l’occurrence, elle ne l’a pas souhaité. Donc je ne sais pas ce qu’il y a dans ce diagnostic. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, c’est du ressort du gouvernement de remettre un rapport.

Est-ce que l’on ne peut pas penser qu’il s’agit d’un état des lieux supplémentaire… et ce se dire pour quoi faire, encore ?

On peut toujours voir les choses sous un angle négatif. Mais jusque là, le raisonnement était de dire : il faut un plan d’action et de rénovation pour les écoles et on est contre le plan fait par la mairie parce que l’on ne sait pas sur quelles bases il a été construit. La première étape pour construire ce plan est donc d’avoir une vision claire de la situation.
J’aurai préféré que depuis 2016, quand Libération avait titré  » La honte de la République « , les choses aient été faites. Mais visiblement non, et aujourd’hui je me mêle d’une situation telle que je la trouve. Ce diagnostic va permettre de construire. Et j’irai jusqu’au bout, là aussi sans évidemment empiéter sur les compétences de la municipalité, en demandant pourquoi pas un plan d’aide au financement que ce soit de l’Etat, la Métropole ou le Département. Je ne sais pas qui donnera. Mais en tout cas je ferai en sorte que tout le monde ait conscience de ce plan d’aide et de rénovation, le construise et le finance. L’objectif, c’est ce qui va arriver derrière.

L’objectif est d’arriver à un plan budgétiser donc ?

L’objectif est qu’il y ait un plan construit. Que l’on sache sur la base de l’état des lieux, si l’on doit dans les trois années qui arrivent rénover 50, 100 ou 150 écoles dans l’urgence. Je n’en ai aucune idée, hormis si ce n’est que les écoles qui ne remontent pas d’informations tiennent debout et assurent des conditions de travail correct. Mais d’autres sont dans états inquiétants. Dans ma circonscription, il y a l’école Saint-Vincent de Paul, construite il n’y a pas très longtemps… mais où les enfants, en maternelle, dorment dans des dortoirs inondés. On rêve parfois.
Il faut unplan des écoles, échelonné dans le temps en priorisant les situations d’urgence, et de l’argent pour le financer. Donc oui, ça devra faire partie d’un budget prioritaire de la municipalité et si il y a besoin de faire appel à d’autres collectivités ou à l’Etat, je serai là pour mener ce combat.

Le cheminement de la loi ?

La loi va passer au Sénat fin avril, début mai.

L’amendement prévoit la remise d’un rapport fin septembre. Que doit contenir ce rapport selon vous ?

Ce n’est pas moi qui vait imposer une méthodologie au gouvernement. Il y a une séparation des pouvoirs. Moi ce que je souhaite c’est que nous ayons un rapport exhaustif et garanti par des experts. J’ai lu dans la presse que les gens commençait à râler et s’inquiéter de ce qui était demandé par les services de l’Etat à Marseille. Comme je l’ai dit il faut décoreller, c’est un travail qui s’est construit dans le temps. Quand le Préfet et le Recteur ont proposé d’accompagner la ville, nous avions convenu ensemble qu’interroger les directeurs d’école permettrait un premier recensement. Ils le font d’ailleurs au quotidien auprès de Mme Casanova (adjointe LR au maire de Marseille, déléguée à l’education). Là, nous leur avons demandé un recensement exhaustif des problèmes à travers ce fichier excel qui a été transmis à la DSDEN. Cette étape là, n’a rien à voir avec l’amendement et le rapport. Il se trouve que c’est un très bon préalable et que cela va peut-être permettre de circonscrire le périmètre en disant, si on a sur les 444 écoles, 200 écoles qui font remonter des dysfonctionnements, le rapport pourrait en déduire qu’il faut creuser le sujet avec des Experts qui viendront analyser le bâti sur un périmètre plus restreint. En attendant, les remontées d’information demandées jusqu’au 15 mars, ce n’est pas le rapport. On ne demande pas au malade de faire le diagnostic.

Mais il y a les conseils d’école qui réalisent ce travail tous les trimestres ?

Vous savez si tout cela est compilé ? Moi je n’ai jamais vu de compilation au niveau de la mairie de tout ce qui est remonté en conseil d’écoles.

Si ce n’est pas fait au niveau de la mairie, ces rapports remontent quand même au niveau des autorités académiques ?

Mais jusqu’à ce jour, l’entretien et la rénovation des écoles est une compétence municipale. Donc l’inspecteur d’académie lorsqu’il vient à un conseil d’école se préoccupe des sujets d’éducation. Il ne tient pas un cahier ou fichier sur ce qui concerne le bâti… Ils auraient pu faire le choix de contacter la mairie pour faire remonter ce fichier, oui. Mais bon, le document adressé aux directeurs est plutôt bien construit. Je trouve que c’était plutôt efficace de demander un nouveau recensement. Au moins tout sera compilé.

Avec le risque que tout le monde n’ai pas répondu en tant voulu, puisque le délai imparti était de onze jours ?

Je peux vous assurer que le DASEN a été extrêmement surpris de la rapidité avec laquelle les fichiers sont revenus. En moins de 48 heures il avait, je crois, plus d’une centaine de réponses. A mon avis, il aura au final une vision assez exhaustive.
Vous savez les directeurs d’écoles sont très en attente de ça. Parce que ce qui est extrêmement triste dans cette histoire, au-delà de ce que vivent les enfants et qui est inacceptable, c’est que toute la communauté éducative est abîmée par ça. Les gens, à juste titre, et je le dis un peu vulgairement,  » ils n’en ont rien à foutre  » de savoir si c’est du ressort de l’état, de la commune ou de la Métropole. Ce qu’ils voient c’est que leur enfants vont dans des écoles qui dysfonctionnent. A partir de là, le directeur d’écoles est toujours tenu responsable de ce qu’il se passe dans son établissement alors que ce n’est pas à lui de venir réparer le chauffage. Tout le monde est donc extrêmement demandeur d’une prise en main de la question et de ce que l’Etat protège ses enseignants et directeurs.

Que se passera-t-il si le rapport n’est pas remis le 30 septembre. Tout cela peut une fois de plus tomber à l’eau ?

Non. Cela pourrait être décalé. Mais j’avais ciblé cette date là en disant que si il y avait besoin de mettre dans le Projet de loi de finances 2020 un budget sur cette question, il était bon d’avoir un rapport, et peut-être des premières pistes de plan d’action, en septembre – octobre.

Vous parlez de dysfonctionnements ? On ne parle pas du bâti, on parle bien de gestion municipale. Qu’est-ce qui dysfonctionne selon vous ?

A mes yeux, il y a un déficit budgétaire. La ville de Toulouse investit beaucoup plus pour ses établissements que la ville de Marseille, si on le rapporte au nombre d’enfants ou d’habitants. Il y a deux fois moins d’écoles certes, et en valeur absolu, le budget éducation de la ville de Marseille est le n°1. Je suis bien consciente des choix qui sont faits, on ne peut pas dire qu’ils « négligent » l’investissement sur les écoles mais rapporté au nombre d’enfants et à la démographie marseillaise, cela manque de gestion et d’anticipation.
Au niveau primaire et maternelle, les effectifs grossissent de quasiment mille enfants par an. Cela nécessite une anticipation des besoins sur les construction par exemple. D’autant qu’avec le manque d’investissement de ces dernières année le parc s’est détérioré.
Et puis de ce que me rapportent les directeurs d’écoles, lorsqu’ils font une demande, il y a un problème d’organisation sur ceux qui mènent les travaux. Il y a quelqu’un qui vient réparer une chose, mais il n’y a pas de suivi avec celui qui va finaliser la fois d’après. Ca n’est visiblement pas coordonné.
Tout cela a traîné dans le temps et donne lieu à des dysfonctionnement de plus en plus sensibles. Je n’accuse pas la Ville de manquer de bonnes intentions, je ne leur reproche pas ça. Ils pensent bien faire mais c’est la manière de faire qui ne marche pas.

Nos confrères de la Provence ont mis en exergue il y a quelques jours, le comparatif de l’argent investi pour un élève scolarisé dans le privé et le public à Marseille. Cela vous inspire quoi ?

Ce n’est juste pas acceptable. Après, je suis en train d’essayer de retrouver ces chiffres et pour comprendre ce qu’ils veulent dire et d’où ils viennent. Parce que l’investissement des communes, c’est l’argent que donne l’Etat dans le cadre de délégations de compétences aux collectivités. Idem pour l’Education nationale puisqu’il y a un forfait donné par enfants aux communes. Et ce forfait dans le public et le double du forfait donné dans le privé. Donc, l’Etat donne deux fois plus aux communes pour qu’elles gèrent les élèves du public… Après sur le principe on le sait depuis longtemps, la ville de Marseille donne beaucoup à ses écoles privées. Ce sont des choix politiques malheureusement.

La ville a dit qu’elle allait faire appel de la décision du Tribunal administratif annulant la délibération sur le PPP ? Vous en pensez-quoi ?

Ils y tiennent à leur plan, ils ont l’impression de l’avoir fait correctement, je ne suis pas très étonné et ils iront sans doute au bout de leur démarche. Après je trouve dommage d’insister quand on a autant d’éléments contre qui prouvent que ce n’est pas la bonne option qu’on a retenu, il vaut mieux travailler sur autre chose.

Au-delà du fait que ce PPP était mal pensé, est-ce qu’un marché de partenariat vous paraît une solution légitime qui permet de régler ce genre de problème ?

Je ne suis pas figé idéologiquement sur cette question. Le seul problème, ce qu’on constate du moins, c’est que dans le rapport Public – Privé, le Public est rarement gagnant. Ce qui est compliqué dans ces marchés, c’est d’y inscrire contractuellement tout ce qui peut déraper et venir en défaveur du Public. Malheureusement, je ne sais pas pour quelle raison, peut-être une question d’accompagnement ou de compétences, les contrats se retrouvent toujours mal ficelés avec un déséquilibre qui pénalise le Public. Donc si on peut favoriser une maîtrise d’ouvrage public, j’y suis bien plus favorable.

Christophe Casanova