Partenariat public-privé dans les écoles : les raisons pour lesquelles la Ville de Marseille « ne reculera pas »

Le partenariat public-privé pour la rénovation des écoles marseillaises continue d’être source d’inquiétudes. Si le maire Jean-Claude Gaudin, dit « entendre les préoccupations » la Ville ne reculera pas ; même si elle reçoit enfin le collectif « Marseille contre les PPP »  ce vendredi 22 juin, à l’Hôtel de Ville.

Le plan Ecole Avenir de la Ville de Marseille est un sujet qui fâche ! Le choix de la Ville de recourir à un accord cadre de marché de partenariat public-privé (PPP) concernant la rénovation des écoles marseillaises est (toujours) loin de faire l’unanimité. Face à la levée de bouclier des parents d’élèves, des architectes, des professionnels du bâtiment, des petits entreprises, du collectif citoyen « Marseille contre les PPP »… et même après les premières auditions des députés LREM (celle de Jean-Claude Gaudin avait lieu le lundi 18 juin), la Ville est affirmative : elle « ne reculera pas ». Tels sont les mots de Jean-Claude Gondard, directeur général des services (DGS) de la Ville de Marseille, confiés en aparté à quelques journalistes.

La polémique, née à l’automne 2017, s’est forcément invitée à la conférence de presse « sur les nouveautés de la rentrée scolaires 2018/2019 », jeudi 21 juin. Le maire LR de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, assume cette procédure PPP qu’il juge « plus rapide et plus efficace pour arriver au résultat que nous souhaitions, à savoir, la démolition de 28 établissements de type « Geep », la reconstruction de 28 nouveaux établissements scolaires et la construction de six écoles neuves ». S’il dit « entendre les préoccupations », elles sont pour lui, comme pour son DGS, le fruit de « beaucoup de contresens », au premier rang desquels la privatisation des écoles. « C’est faux, elles vont rester sous la propriété publique », martèle Jean-Claude Gondard, ajoutant « avoir conscience que ce sujet nécessite des discussions ».

Le (contre)-exemple du stade Vélodrome

Mais qu’on ne lui parle pas du PPP du stade Vélodrome pour démontrer que la Ville fait fausse route, car c’est pour lui « l’exemple absolu de la super réussite, fait dans les délais, au prix fixé. Il rapporte 12 millions d’euros de redevance garantie par l’exploitant, et ça rapporte à la Ville ». Un « exemple » pourtant régulièrement remis en cause ; dernièrement encore par le patron de l’OM, Jacques-Henri Eyraud ayant vivement critiqué les aléas qui découlent de ce contrat. Et pourtant… « Rien ne nous conduit à penser qu’on se trompe, reprend le haut fonctionnaire. On a tout vérifié, y compris à travers les analyses financières les plus poussées et en liaison avec le ministère des Finances local et national ».

D’autant que le choix du PPP n’est pas une question d’ordre financier. Marseille aurait pu opter pour la maîtrise d’ouvrage public (MOP), avec un emprunt, soit classique ; soit avec une mise de fonds importante, mais le PPP « est la meilleure solution », assure le DGS, « car c’est une réponse globale en terme de performances, plus rapide, moins risqué, les bâtiments seront également mieux entretenus ». C’est aussi une manière de répondre aux enjeux de l’école de demain incluant la dimension d’innovation : « En mettant sous tension les très grands groupes qui sont en train de gamberger comme des fous pour inventer l’école du futur, on aura un autre résultat que si on avait 34 écoles prises une par une, avec 34 architectes, et 34 procédures et 34 surcoûts partout ».

Le dernier grand chantier de l’ère Gaudin

La Ville ne reculera pas, non plus, car il s’agit de l’un des derniers – voire LE dernier – grand chantier de l’ère Gaudin. Lui-même avait qualifié ce programme d’un milliard d’euros sur 25 ans, de « plan Marshall qui n’a aucun équivalent ni dans l’histoire de la ville de Marseille, ni dans aucune autre ville », souhaitant que ce dossier soit « énergiquement lancé avant la fin de son mandat », confie Jean-Claude Gondard. Pas question donc pour le maire de faire machine arrière, malgré les recours en justice. « Nous verrons s’ils aboutissent à quelque chose, mais nous on applique des lois », se défend son bras droit. Et ce n’est pas non plus les auditions des parlementaires LREM des Bouches-du-Rhône, auquel le maire s’est soumis sans sourciller qui vont l’inquiéter. « Les députés apprennent leur métier et ils ont raison de s’informer parce que c’est compliqué, ce dossier est d’une haute technicité », souligne M.Gondard. Pour la députée Cathy Racon-Bouzon, il faudra pourtant « des garde-fous posés de manière contractuelle avec des assurances que les écoles pourront évoluer dans le temps » (voir son interview vidéo dans notre émission « Questions de politique »).

Le projet alternatif porté par le collectif « Marseille contre les PPP »

Un point de vive inquiétude pour le collectif « Marseille contre les PPP ». Un accord avec une multinationale reviendrait à être « pieds et poings liés pour une durée de 25 ans, sans pouvoir effectuer des modifications, comme simplement ajouter une cloison dans une classe, sans que cela ne demande des mois de bureaucratie », exprime Pierre-Marie Ganozzi, de la FSU13, évoquant le fameux PPP du Vélodrome justement. Après trois mois de sollicitations, une délégation sera reçue vendredi 22 juin à l’Hôtel de Ville. Le collectif estime que la Ville n’a pas été confrontée à « de véritables arguments ». « Ce PPP ne concerne que 10% des groupes scolaires, il en manque 90% soit seulement 34 écoles sur les 440 de la ville. Nous demandons un véritable audit sur la totalité des écoles pour voir quels sont les vrais besoins, des écoles, des élèves, des familles… ». Le collectif travaille d’ailleurs sur un « projet alternatif », avec l’ordre des architectes Paca. Celui-ci consiste à élaborer un chiffrage précis des rénovations par école, « au lieu d’envisager purement et simplement la démolition et reconstruction », explique le délégué FSU. L’expérience est menée sur une école près… du stade Orange Vélodrome. Les résultats devraient être connus à la rentrée. Ce projet vise aussi à solliciter un prêt spécifique de l’Etat à taux zéro et la mobilisation de fonds européens.

Dans ce bras de fer, le groupe socialiste qui avait dénoncé ce plan « d’Armagedon budgétaire », demande au maire de renoncer à ce « montage baroque ». Benoît Payan, président du groupe estime que « ce projet de PPP privera l’économie locale de plus d’un milliard d’euros de commande publique, et rendra impossible toute évolution des écoles pendant plus de 25 ans ! La gabegie et la rigidité du PPP du Vélodrome auraient pourtant dû nous servir de leçon. » 

Les architectes et des acteurs du bâtiment se dressent contre le projet de loi Elan

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L’ordre des architectes Paca et les acteurs du bâtiment sont très critiques à l’égard du projet de loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Il signe selon eux, la fin de la loi Maîtrise d’ouvrage publique (Mop) et du concours d’architecte.

A l’appel des architectes, la journée du 17 mai a mobilisé des centaines d’acteurs autour de la qualité de l’habitat. Des tables-rondes organisées un peu partout en France pour tenter de faire évoluer le texte du projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique), aujourd’hui très critiqué par les professionnels du secteur. À Marseille, l’Ordre des Architectes Paca, le Syndicat des Architectes des Bouches-du-Rhône, la Fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l’ingénierie et du numérique (Cinov) Paca Corse ainsi que la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises (Capeb) se sont retrouvés pour alerter sur ce projet de loi.

« Une libéralisation totale de l’acte de construire »

Selon Françoise Berthelot, présidente de l’Ordre des Architectes, la loi Elan « est un cheval de Troie. Sous ses aspects vertueux, elle cache une libéralisation totale de l’acte de construire ». Pour exemple, les acteurs réunis ont cité, à plusieurs reprises, la procédure de PPP (partenariat public-privé) lancée par la Ville de Marseille pour la réalisation d’une trentaine d’écoles. Des marchés pour lesquels ils ont décidé de lancer une action en justice. « Un jour la commande publique pourrait ne plus exister », insiste Françoise Berthelot.

Pour les architectes et les acteurs de la construction, la loi Elan signe l’arrêt de mort de la loi Mop (Maîtrise d’oeuvre privée). Elle permet, selon eux, aux bailleurs sociaux de s’exonérer des procédures de la commande publique et du concours d’architecte. Plus encore, c’est l’acte de l’architecte qui est menacé : « Avec l’abandon de la loi Mop, nous vivrons l’abandon du dernier bastion de la liberté de l’architecte d’exprimer sa créativité, souligne la présidente de l’Ordre. Les bailleurs sociaux seront les nouveaux promoteurs et toute l’inventivité, la créativité de l’architecte, construite en relation avec les habitants disparaîtra ». C’est aussi pour elle « un retour en arrière, au temps de l’après-guerre, quand il a fallu construire vite et bon marché avec les conséquences que l’on connaît, notamment celles qui concernent les ghettos urbains. »

La Capeb se positionne en complémentarité. « L’intérêt de cette loi est de réduire les fractures sociales mais pas au détriment des entreprises locales, souligne Patricia Blanchet-Bhang. Les TPE-PME représentent 60% des entreprises du bâtiment et forment 90% des apprentis. Nous sommes un acteur incontournable. La loi Mop est aussi une garantie de la qualité des travaux. Elle détermine la responsabilité de chacun et impose des études aidant à bien chiffrer les marchés », poursuit-elle avec verve. Pour elle, la loi Elan va permettre aux « majors » de remporter la mise et de « laisser les miettes » aux TPE-PME. « On ne veut pas devenir des sous-traitants de majors voire des larbins », poursuit-elle.

L’architecte reste « un concepteur de la ville »

Pour se faire entendre, les intervenants ont envoyé au gouvernement des propositions d’amendements de la loi (qui sera examinée les 29 et 30 mai à l’Assemblée nationale) et tentent de rester positifs. « Le gouvernement ne peut pas se couper de la base, ça va déséquilibrer les territoires, on ne peut pas tuer l’économie locale », espère Patricia Blanchet-Bhang. Alors qu’en 2016, 30% des cabinets d’architecture ont répondu à la commande publique, l’Ordre des Architectes estime également qu’il faut privilégier une autre approche du métier. « Il faut penser autrement et s’intéresser davantage à la commande privée et cela passe par un travail de pédagogie auprès du grand public pour qu’il prenne conscience de l’importance de notre travail. Il faut sortir de l’image que la société se fait de l’architecte, estime Françoise Berthelot. Il faut aussi penser à la manière dont on forme nos futurs architectes, il peut aujourd’hui être architecte constructeur, business man… ». Mais pour elle, il reste clair qu’on ne peut pas se passer de celui « qui reste un concepteur de la ville ».